Inauguration & Bruit étrange [Sven et Nenph]

[Avouez que si je ne poste pas, personne ne commencera à rp... Vous êtes viles. T_T" Et mon post est peu intéressant. ]

Ce n’était pas exactement une inauguration. Plutôt une simple réouverture. Pourquoi est-ce que ça avait fermé déjà ? Oh, quelques problèmes avec des bagarres à répétitions et le police, comme d’habitude. D’ailleurs, à propos d’habitués, l’un venait d’entrer dans l’endroit enfumé par le tabac, pour fêter ça vous répondrait les autres clients, ne se souciant pas le moins du monde des lois en vigueur sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics. De toute manière, ce n’était pas comme si quelqu’un ici allait se plaindre. En tout cas, l’inauguration qui n’en était point une méritait au moins d’être fêtée. Bien qu’Alexander n’avait jamais besoin de raison pour aller boire jusqu’à ne plus pouvoir ingurgiter une seule goutte d’alcool. Son existence était une excuse suffisante à tous les vices, selon lui. A peine avait-il fait quelques pas que quelques-uns le saluèrent, sans doute habitués à sa présence. Lui-même devait bien avouer reconnaître certains des individus présents, même quelques noms parfois. Cependant, il ne s’en souciait pas tellement. Après tout, un nom, un visage, ce n’était plus grand-chose à cette époque. Son corps fin se glissa entre les clients du bar avec facilité, bien qu’il manqua de marcher sur le pieds d’une jolie demoiselle, une sorte de serveuse qui travaillait ici le week end. Ce n’était pas si simple pour lui. Ne voir que d’un œil faisait perdre la perception de la vue en trois dimensions, ce qui était un fâcheux handicap. Sans compter que pour le travail du jeune homme, cela était un désavantage assez conséquent. Cependant, il semblait autant l’ignorer que le reste. Le monde d’Alex était une réalité un brin flouée par l’alcool et l’amusement, comme il disait si bien. D’ailleurs, à peine assit, dans une table un peu en retrait, en solitaire, pour avoir la paix, il commanda quelque chose. Quoi ? Oh, il ne pipa mot de ce qu’il désirait exactement. Pour être honnête, le jeune homme n’avait pas de boisson favorite. Il commandait souvent quelque chose au hasard. De toute manière, ce n’était pas le type de personne à venir seulement pour un seul verre, si vous voyez ce que je veux dire.

La serveuse avait visiblement compris, il venait assez souvent de toute façon, et elle partie lui chercher sa commande tandis qu’il sortait son briquet et son paquet de cigarettes de sa poche. Contrairement à la plupart des fumeurs, il était loin d’être accro au tabac, mais pour les nerfs, ça faisait toujours du bien. Le masque de calme et d’ennui qu’il affichait pratiquement en permanence n’était pas forcément le reflet de ses pensées intérieures. A ce propos, ce jour-là, il avait eu une mission. Une qu’il exerçait depuis quelques temps déjà. La plus difficile et insupportable de toute : Surveiller le prince Samuel. Quelque chose qui était pratiquement plus difficile que de pointer une arme sur le front de quelqu’un avant de l’envoyer rejoindre les anges, ou les diables selon l’individu. Non, ce n’était pas du tout comparable. Mais Alexander était assez fatigué pour ne pas se soucier de ce type de détail. Et, lorsque sa boisson arriva, il remercia rapidement la serveuse avant de commencer à boire. Du whisky… Ça faisait longtemps. Enfin, deux jours quoi.

Qu’importe, le membre de l’Anti-Truth War Squad, il se demandait vraiment où est-ce qu’ils avaient trouvé un nom aussi pathétique ceux là d’ailleurs [1], bu son verre avec le même enthousiasme masqué sous de l’ennui que les autres jours. Alors qu’il en commandait un autre, il se demanda vraiment pourquoi est-ce qu’il n’allait pas s’asseoir au comptoir, au lieu de forcer le personnel à faire une vingtaine d’allés retours pour lui chaque soir. Question d’habitude sans doute. Il écrasa sa cigarette, à présent terminée, avant de déboutonner le second bouton du haut de sa chemise, c’est qu’il faisait un brin chaud dans l’atmosphère enfumée du bar. D’un autre côté, s’il avait enlevé la grande veste noire qu’il portait, peut-être aurait-il mieux supporté la température ambiante, mais passons. La soirée continua, tranquillement, peut-être un peu trop, ou alors pas assez ça dépendait du point de vue et il ne sortit de l’établissement que vers minuit, à la fermeture du lieu, le patron ayant pour habitude de dire à ses clients d’aller en boîte de nuit s’ils voulaient rentrer chez eux à l’aube. Alexander, qui avait encore l’air, je dis bien ‘l’air’ parce que son esprit était un brin plus lent que d’habitude, sobre, salua l’homme avant de quitter le lieu, sans un regard en arrière.

Il ne faisait pas très chaud dehors. Enfin, moins qu’à l’intérieur en tout cas. D’un autre côté, en février dans le pays de la pluie, à quoi est-ce qu’il s’attendait ? Au bout de quelques pas, il entendit un bruit. Quelque chose qu’il n’aurait pas su identifier. Peut-être était-ce un chat abandonné dans le froid en train de miauler à l’aide ou bien un type en train de s’étouffer dans une mare de sang… L’esprit d’Alexander n’était pas à même d’identifier la chose clairement. Cependant, il se décida à marcher dans la direction du bruit, en suivant le précepte du bon vieux ‘J’ai vu de la lumière, alors je suis entré.’ Après, quand à savoir sur quoi est-ce qu’il allait tomber. Ça, personne ne pouvait le dire.

[1] Vous ai-je déjà dit que j'étais sincèrement désolée pour ça? XD

Il faisait encore nuit. Enfin, non, avant il y avait eu le jour, bien évidemment. Mais ça ne s’était pas vu, ou plutôt elle avait été la seule à ne pas l’avoir vu. Pourtant, ce n’est pas quelque chose que l’on peut rater si facilement, le jour. Un beau ciel bleu, parsemé à quelques endroits de nuages blancs, crémeux. Le tout illuminé par un soleil, comment dire, lumineux. Enfin, elle voulait imaginer que c’était comme ça. Généralement, le ciel était plutôt gris et pluvieux. Et le chant des oiseaux, gazouillant dans leur petit nid d’amour. Est-ce normal de ne pas entendre ce chef d’œuvre, digne de Mozart ? En fait, oui ça l’est. Il n’y a pas de gentils pioupious dans les sombres ruelles de Leixford, du moins pas à sa connaissance. Il n’y avait eu que le bruit d’une bouteille brisée. Nenph s’en souvenait très clairement. Ca avait éclaté de manière soudaine, les morceaux de verre avaient retenti d’un bruit cristallin sur les pavés. Ca aurait presque pu être agréable, si elle n’avait pas senti les deux ou trois bouts qui avaient pénétré sa peau, si douce et si blanche auparavant, mais dès à présent souillé de sang. Notamment au niveau de la cuisse. Elle avait un gros éclat coincé dedans. C’en était douloureux. Puis, horrifiée, son pied avait reculé. Mais c’était pour mieux se planter sur les dents tranchantes du haut de la bouteille. Et hop, nouvelle souffrance, plus ou moins supportable suivant ce qui allait suivre. Et tout ça s’était passé à l’aube, avant que les rayons du soleil ne puissent éclairer le visage de notre lycéenne, lui donnant l’impression qu’elle la reverrait… la lumière du jour.

Ce n’était pas de sa faute à elle, mais plutôt la leur. Nenph était juste en train de rentrer chez elle, avec une bouteille de whisky en main, dénichée on ne sait trop où. La fameuse bouteille qui lui avait valu tant d’ennuis. Il devait être trois, voir quatre heures du matin. Et puis… les choses habituelles étaient survenues, c’est tout. Une rencontre improvisée avec deux ou trois camarades de classe, un peu beurrés, pour le coup. Une envie de boire, et ça avait dégénéré. Pour qui se prenaient-ils ? Qu’elle leur donne sa bouteille ? La sienne ? Mais elle était complètement fauchée, si elle leur donnait celle-ci, elle ne pourrait plus s’en acheter, et par conséquent ne pourrait plus boire. Alors pourquoi fallait-il qu’elle leur donne son précieux Whisky, hein ? C’était du délire. Alors, elle avait simplement secoué la tête, en signe de « non », puis elle avait juste rebroussé chemin. Ils l‘avaient mal pris, ils avaient eu tôt fait de rattraper la petite boiteuse. L’un des lycéens avait voulu lui arracher la bouteille des mains. Nenph n’avait pas voulu, ses mains s’étaient resserrées sur le haut de la bouteille, tandis que l’autre jeune homme tirait de l’autre côté. Et puis, leurs mains à tous deux avaient finis par glisser. Au choc, la bouteille s’était renversée, et le liquide s’était répandu sur le sol. En même temps, deux ou trois éclats avaient volé. C’est à cause de ça que sa cuisse saignait, pas vraiment abondamment, mais tout de même. Sans parler du pied.

Nenph s’était sentie prise de vertige, sa tête lui tournait. La vue du sang peut être. Ou alors, un soudain mal être lié à ce qu’elle perdait. Ou encore, l’effet de l’alcool avalé précédemment, durant la nuit, qui commençait à se manifester. Quoi qu’il en soit, elle ne se soutenait plus. Ses forces l’abandonnaient. C’est à ce moment-là que les gugusses d’en face, avaient décidé de son sort. Le plus costaux d’entre eux l’avait attrapé par la taille, avant de la soulever complètement du sol. Elle avait beau se débattre que rien n’y faisait, il ne la lâchait plus. Un autre avait ouvert le container, qui se trouvait un peu plus loin dans la rue, il avait fait signe à l’autre, afin qu’il approche la demoiselle. L’attrapant par les pieds pour aider son compagnon, ils la jetèrent au milieu des ordures, puis refermèrent la poubelle, avant de maintenir le couvercle fermé à l’aide d’un cadenas sorti de la poche de l’un des antagonistes. Ils balancèrent la clef derrière eux, avant de partir en riant. C’est ainsi que Nenph se retrouva coincée dans sa nouvelle prison. Fort heureusement, c’était assez spacieux, bien que l’odeur régnant fût plutôt écœurante. Elle décida de retirer les morceaux de verre de sa peau, plutôt que d’essayer de sortir en premier lieu. Et ce n’est qu’après plusieurs gémissements qu’elle appliqua sur sa cuisse le tissu bleu, arraché de son jean, pour stopper le saignement. Par la suite, elle ne tarda pas à s’endormir. Ce n’est que tard la nuit qu’elle se réveilla. Il lui fallut un certain temps avant de comprendre où elle se trouvait. Nenph tenta alors de repousser le couvercle du container, mais à sa grande surprise, celui-ci ne bougea pas d’un cil. Elle essaya plusieurs fois, en vain. Bloquée. Elle était bloquée. Il ne lui restait plus qu’une solution : faire un maximum de bruit dans l’espoir d’être découverte. La demoiselle commença à frapper les murs de sa prison, en un bruit plutôt assourdissant. Il lui sembla entendre des pas. Quelqu’un enfin. Mettre fin à son calvaire. Il fallait que cette personne le fasse. Alors, elle frappa plus fort, comme pour l’inciter à continuer d’avancer. D’ailleurs, là tout de suite, ça tombait bien. Ses mains commençaient à lui faire mal. Et d’une voix presque suppliante, elle demanda.

-Vous voulez bien me faire sortir de là ?

Pourtant, Alex était sûr de n’avoir bu que raisonnablement. Enfin, selon ses propres standards, c’était évident. Alors pourquoi se retrouvait-il avec une poubelle qui s’adressait à lui ? Peut-être que l’effet de l’alcool accumulé par les années avait fini par lui faire perdre la raison ? Ou bien il était tout simplement ivre. Laissant échapper un soupir, le jeune homme tenta de se concentrer de nouveau sur la situation. Il lui fallait se focaliser sur les détails. Le plus important étant de résoudre ce mystère de poubelle. Et là, la solution lui vint comme une illumination. Quelqu’un était enfermé à l’intérieur. Oh, la pauvre personne. Bon, cela prouvait au moins que sa cervelle était toujours plus ou moins en état de marche. Cependant, il n’avait pas spécialement l’habitude d’aider les gens dans le besoin. Et ce même si la situation était sérieuse. A moins qu’il ait quelque chose à y gagner en échange. Et encore. Après tout, Alex n’était pas exactement un enfant de cœur, sans être un sadique non plus. D’un autre côté, il n’avait strictement rien à faire d’autre pour l’instant et puis, si un cadavre était découvert ici dans quelques jours, ça agrandirait encore les problèmes du gouvernement, qui insistaient en ce moment sur le fait qu’il ne fallait absolument pas faire de vagues. Un dilemme assez complexe tout de même. Bon, il n’avait rien à y perdre. Et la mission semblait rapide et dénuée de difficultés apparentes.

« Pourquoi pas. »

S’approchant de quelques pas, le jeune homme posa une main sur le couvercle de la poubelle, tentant de le soulever sans réussir. Peut-être pas aussi simple que cela finalement. La nuit ne l’aidait pas énormément à voir ce qu’il y avait autour de lui, l’endroit ne bénéficiant que de l’éclairement lunaire, qui lui fournissait seulement le minimum nécessaire. Il passa ses doigts sur le couvercle, qui était un brin sale d’ailleurs, avant de rencontrer quelque chose de métallique et froid. Un cadenas… Fantastique. Peut-être que la clé était dans le coin. Ou peut-être pas. Enfouissant ses mains dans les poches de sa veste sombre, il se recula d’un pas avant de regarder autour de lui, sans avoir beaucoup d’espoir de trouver ce qu’il cherchait. Sans compter que de n’avoir qu’un seul œil ne l’handicapait un brin dans sa recherche. Cette histoire lui apprendrait sans doute à ne plus faire autant preuve de curiosité à l’avenir. Un soupir lui échappa tandis qu’il constata qu’il n’y avait pas la moindre trace de clé dans le coin. Fantastique. Bon, il lui restait encore la solution de tirer dans le cadenas avec son revolver mais intérieurement, Alexander avait un très léger doute sur les chances de réussites de ce plan. Il ne manquerait plus que la balle ricoche et lui perfore un poumon…

Le jeune homme posa une main sur sa hanche, tout en repassant le problème dans sa tête, encore et encore. Son œil restant brilla légèrement d’agacement tandis que la solution continuait de lui échapper. Peut-être que l’alcool ralentissait sa cervelle après tout. Alors qu’il en était à se demander s’il n’allait pas s’allumer une cigarette pour se calmer un peu et réfléchir plus tranquillement à la situation, les nuages qui cachaient en partie la lune décidèrent enfin de virer de bord et un reflet brillant apparu sur le sol. Le jeune homme rangea son briquet, qu’il venait de sortir de sa poche, tout en se disant qu’il allait remettre sa petite pause clope à plus tard. Se baissant, il ramassa la clé avec des gestes assez lents, étant donné qu’il ne possédait plus sa vue en trois dimensions et qu’il avait plus de mal à attraper les objets. Bon, à présent, il pouvait libérer le prisonnier, ou la prisonnière selon sa voix, de la poubelle maléfique.

Alex inséra la clé dans la serrure rapidement, la faisant tourner jusqu’à entendre le déclic familier et il retira clé et cadenas avant de soulever le couvercle de la poubelle d’une main, avec son air ennuyé habituel. Sa curiosité semblait être partie dans ses recherches et il ne s’étonna même pas de voir une adolescente, enfin ce qui y ressemblait, qui était posée au milieu des ordures. Au moins, elle n’était pas morte par manque d’air ou quelque chose comme ça. Ca aurait fait tâche, avouons-le. Alexander ne lui tendit pas de main pour l’aider à se relever, ce n’était pas dans ses habitudes, mais il maintint tout de même le couvercle ouvert pour qu’elle puisse sortir. En tout cas les adolescents avaient des occupations de plus en plus étranges… S’enfermer les uns les autres dans les ordures… Il y avait mieux tout de même. L’aîné des deux n’engagea pas la conversation, se contentant d’attendre que sa vis-à-vis sorte de là. De toute manière, il n’avait rien de spécial à lui dire.

Un bruit métallique retentissait dans les oreilles de Sven et le tira de son sommeil léger. Qui pouvait bien s’amuser à faire du bruit à une heure si…matinale ? Sa curiosité le poussa à aller voir ce qui l’avait arraché aux doux et mélodieux rêves qui apaisait son esprit après une journée épuisante de travail. Il se leva donc de son coin temporairement aménagé dans la ruelle, à l’abri des regards indiscrets qui auraient pu l’obliger à déménager malgré sa fatigue.

Sven retira les quatre épaisseurs de vêtements et couvertures avec lesquelles il s’était couvert pour ne pas attraper froid durant la nuit et les fourra dans son immense sac à poubelle qui contenait déjà son sac à dos lourdement chargé. Son sac était, étonnamment, très lourd et la fatigue ne l’aidait point. Alors il traîna celui-ci provoquant ainsi un frottement du sac sur le sol froid du quartier Emighton et donc, un bruit suspect et étrange qui pouvait facilement attirer l’attention sur lui mais, ce n’était pas son intention. Cependant, la nuit, sombre, l’empêchait de voir correctement. Son pied glissa alors sur un objet qui s’était retrouvé à la mauvaise place au mauvais moment ce qui le fit perdre l’équilibre et tomber, se frappant ainsi la mâchoire sur un des coins supérieur du container à déchets. Il ne gémit point, le froid avait déjà engourdi son corps durant son sommeil et ce n’est que quelques longues et interminables secondes plus tard qu’il se releva, un brin sonné par le choc. Lorsqu’il fut debout, il s’adossa au mur pour maintenir son équilibre et tira son lourd bagage vers lui de peur de se faire dérober un objet quelconque.
Il leva les yeux et vit les deux individus, embarrassé et soudainement envahi par l’angoisse, il se mit à agiter nerveusement les doigts sous ses longues manches épaisses avant de bafouiller quelques mots.

-Je…je suis désolé je…je ne voulais pas causer un tel vacarme…

Sa phrase fut suivie d’un petit rire nerveux car, c’était bien la première fois qu’il faisait une rencontre nocturne et il n’était pas complètement alerte, ses sens étaient encore endormis, eux. Son esprit, sous l’émotion, lui bombarda la tête de questions ce qui n’aida point à la situation qui le fit paraître encore plus trouillard qu’il ne l’est normalement, lorsque le soleil illumine le minois des passants. Le mélange du froid, de la peur et de la douleur lui fit trembler la mâchoire créant ainsi un petit claquement de ses dents irrégulier qu’il se dépêcha de stopper en serrant les dents assez fort pour les immobiliser.

Quelqu’un avait répondu à sa demande, et de manière plutôt positive en prime. D’après les deux petits mots prononcés par son interlocuteur, Nenph vint rapidement à la conclusion qu’il s’agissait d’un homme. Bien que l’ayant noté, ce n’était pas franchement ce qui l’importait le plus, du moment qu’elle pouvait sortir de cette poubelle. Non pas qu’elle en avait assez mais disons qu’il aurait été d’un très mauvais genre de mourir asphyxié par l’abominable odeur qui lui chatouillait les narines depuis un bon moment déjà. C’était une véritable infection qui s’incrustait à travers ses vêtements, sa peau. Comme elle avait l’air sale. Il lui tardait de sortir de là. Le gentleman qui se portait à sa rescousse lui avait promis, ce qui était plus que suffisant pour agiter ce petit corps. Nenph bougeait dans tous les sens, faisant un peu plus de remue-ménage encore. Elle s’impatientait, avec l’impression que, finalement, on l’avait abandonné. Une sorte de mauvaise blague, du genre mais oui je vais t’aider, et puis au bout de deux ou trois heures, rien ne se passe. Oui, cet individu avait très certainement dû se jouer de sa situation. Le soulagement qu’elle avait éprouvé un peu plus tôt disparut brutalement. C’était à prévoir qu’on préférait la voir enfermée dans une benne à ordures. Elle n’avait plus qu’à se laisser mourir. Bientôt, cette très chère poubelle reprit son calme habituel. L’hôte se trouvant dedans étant bien trop occupé à chercher une solution afin de s’en aller plutôt que de se secouer dans tous les sens. Finalement, Nenph ne fut bonne que pour se boucher le nez, puisqu’elle ne s’était pas encore habituée à la délicate odeur des ordures. Se recroquevillant sur elle-même, un léger soupir s’échappa d’entre ses lèvres, alors qu’elle commençait à se balancer d’avant en arrière, venant cogner l’arrière de sa tête contre la paroi du container, signe qu’elle en avait marre de rester cloîtrer ici. Il lui semblait qu’elle allait devoir rester là un bon moment encore.

Ca n’avait jamais été dans ses habitudes de demander de l’aide. Généralement, elle préférait se débrouiller seule, par fierté mais également dans l’espoir de ne s’en prendre qu’à elle-même en cas d’échec. Et puis, les relations humaines… ce n’était pas ce qu’elle préférait. Les remerciements et compagnie, ça la gênait. Nenph détestait ça. Lorsqu’elle se sentait mal-à-l’aise, elle se trouvait bête. Elle n’appréciait que très peu cette désagréable sensation, c’est pour ça qu’elle préférait jouer les grandes, prétextant n’avoir besoin de rien ni personne pour s’en sortir. Mais là, c’était différent. Il fallait tout mettre de côté. De l’intérieur, elle ne pouvait rien faire, tout ce qu’elle tenterait ne ferait qu’empirer sa condition. Ou serait vain en fin de compte. Par exemple, elle pourrait s’agiter comme tout à l’heure, ce qui ferait bouger quelque peu le container… et après ? Au pire, il se renverserait sur le sol. Avec un peu de chance, il s’ouvrirait. Sinon, elle aurait de grandes chances de se retrouver coincée sous les ordures. Elle serait encore plus sale, et elle donnerait une mauvaise opinion d’elle-même par la suite. Bien que ça, ça soit déjà fait. Comme dit précédemment, il fallait qu’on lui ouvre de l’extérieur puisque de son côté, elle n’arriverait à rien. Mais à bien regarder, il n’y avait que très peu de chance pour qu’on la sorte de là. Elle ne croiserait probablement que des ivres, incapable de se tenir debout, incapable de soulever le couvercle de la poubelle. Ou au pire, ce serait des petits plaisantins, comme tout à l’heure, qui viendraient lui assurer qu’ils allaient l’aider, pour mieux la trahir par la suite avant de s’en aller, tout content de se moquer de la tête d’une misérable clocharde qui devait avoir l’habitude de nager au milieu des ordures. Et on se dirait que sa perte ne serait pas bien importante, qu’au contraire elle perdrait sa vie, heureuse… entre toutes ces choses qu’elle se plaisait à côtoyer.

Mais le bruit d’une clef qui tourne l’arracha de ses pensées. Nenph pu sentir les battements de son cœur s’accéléraient. Que se passait-il ? Quelqu’un était là ? Juste au-dessus ? Essayait-on de la faire sortir ? L’individu de tout à l’heure était-il encore là ? Il ne l’avait pas abandonné ? Vrai ? Mais alors… elle allait sortir ? Véritablement ? Blague mis à part ? Chouette. C’était le seul mot qui lui venait à l’esprit. La liberté. L’air frais, respirable. L’espace. Car quand bien même la benne eut été spacieuse, ça n’était rien à côté du dehors. Sa tête se leva vers le haut, les yeux brillant à l’idée de voir autre chose que de détestables déchets. Elle se redressa légèrement en voyant le couvercle se soulevait. Nenph jeta un rapide coup d’œil à son sauveur, avant de détourner les yeux, timide. Il faisait nuit, elle ne voyait pas son visage ni même le reste de son corps, mais elle n’en avait pas besoin pour se sentir si… bizarre. C’était le moment où elle devait lui dire merci, hein ? Mais comment devait-elle dire ça ? Devait-elle laisser éclater sa joie, le couvrir de remerciements. Peut était-ce trop. Ou devait-elle lui dire le strict nécessaire, mais si c’était mal-élevé, peu gratifiant ? Nenph se faisait toute une histoire, rien qu’en pensant à ce qu’elle devait dire à cette personne qui aurait finalement dû l’abandonner, tant il la mettait si mal-à-l’aise par sa simple présence.

Enfin, elle finit par se relever. La jeune fille ne pouvait quand même pas faire attendre son interlocuteur plus longtemps. Elle posa ses mains sur le rebord de la poubelle, prête à quitter ce lieu. Au passage, elle le gratifia d’un signe de tête, venant à la conclusion que c’était probablement le mieux à faire. Lorsqu’on la regardait, Nenph n’avait pas l’air particulièrement gêné, ce n’était pas l’impression première qui émanait d’elle, cependant son esprit était tout chamboulé, l’exact opposé de ce qu’elle montrait. Elle se demandait encore si ce signe de tête était ce qu’il fallait faire, si c’était suffisant ou non. Mais à nouveau, elle fut tirée de ses pensées, lorsqu’elle bascula sans vraiment le vouloir vers l’avant. C’est ainsi qu’elle tomba tête la première, amortissant la chute de ses bras. Et elle restait là, comme ça, la tête en bas et les pieds en haut. La position lui plaisait. Mais qu’est-ce qui l’avait bien pu faire tomber ? Etait-elle si maladroite pour perdre l’équilibre sans même bouger le moindre petit doigt ? Son visage se retourna, fixant incrédule la nouvelle tête qu’elle apercevait. C’était lui le fautif. En se cognant contre la poubelle, il l’avait fait vibrer, ce qui visiblement avait été plus que suffisant pour faire sortir notre amie de là. Elle n’écouta qu’à moitié ses excuses, se focalisant plutôt sur les longues manches qu’elle arrivait à distinguer dans le noir.

-Attention à ma bouteille.

Ou plutôt au reste de sa bouteille, puisque ça ne ressemblait plus du tout à une bouteille.

Lorsque la pupille se dilate, il est alors plus facile de distinguer les objets dans le noir et ce, de façon plus détaillée. C’est d’ailleurs ce phénomène qui permit au pauvre bricoleur de mieux distinguer ce qui venait de heurter le sol. Une fille ? Venait-il de causer la perte d’équilibre d’une damoiselle ? Cette idée le foudroya, il n’était pas méchant, pas du tout, et ne voulait pas donner l’impression de l’être. Ne sachant que faire, il tremblota à nouveau. Qu’avait-il donc fait pour mériter cela ? Cela allait nuire à sa piètre réputation, un gentil réparateur ne doit pas bousculer de jeune damoiselle, surtout en présence de témoin. La nervosité l’incitait à prendre ses jambes à son cou pour s’enfuir mais son esprit lutait contre cette pensée, il devait s’excuser et réparer ses erreurs.

Il approcha un peu de la jeune fille pour finalement apercevoir les masses plus sombres sur lesquelles la lumière réfléchissait à certains endroits. Était-ce humide ? Puis il détourna le regard, une bouteille, une bouteille en morceau, sûrement la cause de ces taches qui pouvaient alors être le résultat de quelques coupures. Bingo. Des premiers soins seraient alors apprécié, pensa-t-il. Sans prononcer un mot, il ouvrit son sac poubelle et y fourra sa main qu’il déplaça systématiquement pour en sortir son énorme sac à dos. Une fois le lourd paquet retiré du sac de plastique sombre, il ouvrit une des multiples pochettes que l’objet comportait et en sortit un petit étui sombre, recousu de toute part, un tube de crème antibiotique et un rouleau de bandages. Puis, il referma la pochette, en ouvrit une seconde et de celle-ci il sortit un bouquin ayant pour sujet les premiers soins.

Elle a mentionné faire attention à sa bouteille…, pensa-il

Sven retroussa ses manches, ce qui laissa découvrir deux mains abîmées recouvertes de bandages souillés de vieux sang séché et de taches provoqués par la sueur, avant de farfouiller à l’intérieur des grandes poches que comportait son vieux pantalon. Lorsqu’il trouva ce qu’il cherchait, il s’avança vers la jeune fille et les débris de bouteille, toujours sans prononcé un mot. Le jeune finnois d’origine ouvrit finalement la bouche pour expliquer qu’il était désolé et qu’il allait rembourser les dégâts qu’il avait causés, croyant qu’il était coupable du bris de la bouteille. Il chercha nerveusement une quelconque étiquette, ou logo sur les pièces de verre brisées, sur le sur le sol à l’aide de sa petite lampe de poche. Tôt déniché, il prit l’objet dans sa main et se retourna vers la victime.

-Je vais rembourser votre bouteille et, si vous voulez, je peux traiter vos plaies. Je suis désolé, vraiment désolé je ne voulais pas vous blesser…

Ses dires étaient parsemés de petit tremblement de voix, qui étaient causés par une longue exposition au froid, et ses yeux eux, reflétaient sa détermination à se faire pardonner.

-Je…Je n’ai pas beaucoup d’argent mais s’il en manque, demain je travaillerai deux fois plus…Combien cette bouteille a-t-elle coûtée ?

Le simple hochement de tête que lui adressa l’adolescente libérée de sa prison suffit amplement à Alexander en guise de remerciement. A la base, il en demandait même pas en fait. Pas que ça lui soit naturel de sauver des gens mais il n’était pas du genre à cautionner les discours inutiles. Et pourtant, il en entendait pas mal dans son travail. Le jeune homme laissa retomber le lourd couvercle de la poubelle, qui émit un bruit assez fort mais dont il ne se soucia pas le moins du monde. Enfin, jusqu’à ce qu’un autre son, une voix pour être plus précis, résonne dans la rue sombre. Encore de la visites ? Peut-être était-ce une des personnes à qui la demoiselle avait servi de victime. Fantastique, il ne manquait plus ça. Cependant, il changea bien vite d’avis en voyant ce qui semblait être un gamin, il fallait vraiment qu’il cesse de penser que les gens qui paraissaient plus jeunes que lui étaient forcément des gosses alors qu’il n’était guère plus vieux qu’eux. Visiblement, c’était la journée, ou plutôt nuit, des rencontres imprévues. Bah, au moins, ce garçon ne sortait pas d’une poubelle, lui. C’était déjà ça de gagné. Sans compter qu’il n’avait pas l’air dangereux. Juste un peu… Etonné de rencontrer des gens dans le coin. En tout cas, tant que tout le monde allait bien et qu’il pouvait se fumer sa clope pénard, Alex’ se fichait un brin, pour ne pas dire beaucoup, du reste.

C’est sans doute pour ça qu’il les écouta parler, tout en sortant son briquet et son paquet de cigarettes de sa poche. Il jeta un rapide coup d’œil sur le paquet, s’apercevant qu’il avait encore acheté un paquet qui coûtait une fortune et songea sérieusement qu’il lui fallait cesser de dilapider sa thune dans ce genre de bêtise. Ce qui ne l’empêcha pas de faire fonctionner son briquet, créant une petite source de lumière dans l’endroit pendant quelques secondes avant d’allumer sa cigarette, qu’il avait entre-temps coincé entre ses lèvres. Ca faisait du bien de pouvoir enfin fumer. Pas qu’il soit accro, loin de là. C’était juste comme avec l’alcool, une simple et douce addiction sans aucun danger. Bref, tout en tirant une bouffée sur sa clope, il observa les deux autres dans leur conversation passionnée qui comportait un nombre de phrases assez réduit.

A l’entente du mot ‘bouteille’, Alex se montra cependant un brin plus intéressé même sans perdre l’air ennuyé qu’il avait sur son visage, comme souvent. Son œil passa de la demoiselle au gamin, puis du gamin aux bouts de verre. Gâcher de l’alcool, quel crime odieux. Cependant, il se garda bien de lancer cette pensée à voix haute, préférant se contenter d’observer. Il n’avait pas à se mêler de la vie des civils après tout. Même s’il y avait quelque chose d’assez étrange chez ces deux-là… Peut-être leur rencontre un peu étrange, qui sait. Oh, le gamin voulait servir de coupable. Pas que Alexander s’en souciait énormément mais il doutait vaguement que ce garçon soit la cause des ennuis de la jeune fille qui était avec eux. Tout en jetant un regard à sa cigarette, qu’il mit entre ses doigts quelques secondes, il constata qu’elle était déjà à moitié fumée et laissa échapper un vague sourire avant de parler, histoire de pas faire poteau entre les deux autres.

« Tu ne m’as pas l’air bien coupable toi. »

Et il ne disait pas ça dans le sens où l’adolescent refusait d’accepter ses torts mais plutôt dans celui où il n’en avait aucun à se reprocher. Puis son regard se reporta sur les débris et son œil ouvert passa au peigne fin les bouts de verres qui traînaient. Si ça se trouve, c’était une bonne bouteille. Quel gâchis, deuxième édition. Ca lui donnait envie de se retaper quelques verres en plus. D’ailleurs, est-ce que ça ne serait pas un bon moyen de mettre tout le monde d’accord, ça ? Peut-être que oui, peut-être que non. En tout cas, Alex’ savait que si on risquait rien on ne pouvait rien avoir, même s’il était plus facile de tout perdre.

« Hm… Au lieu de rester à se les geler ici, ça ne vous dirait pas plutôt si je vous payais un coup à boire ? »

Et il reporta sa cigarette à ses lèvres, comme si de rien n’était. Après tout, il gagnait bien sa vie et payer quelque chose à des gens ne le dérangeait pas s’il avait bu assez pour ne pas se rendre exactement compte qu’il suggérait de faire une sorte de sortie de groupe. Alors qu’il détestait partager quoi que se soit avec les autres. Bah, si le gamin était motivé, il payerait peut-être une tournée. En tout cas, quelque soit la réponse qu’il aurait, l’assassin ne semblait pas s’en soucier. Il cala son dos contre la poubelle, après avoir soigneusement vérifié qu’elle ne risquait pas de salir sa belle veste noire et il continua de fumer, tout en observant légèrement les deux autres. En tout cas, il avait eu beau dire qu’ils allaient finir en glaçons s’ils restaient ici, c’était comme lui qui portait une veste ouverte avec deux boutons, ceux du haut, de sa chemise défaits. Mais d'un autre côté, il était toujours plus agréable d'être pénard au chaud quelque part, surtout chez soi quand il n'y avait personne, que dehors à côté d'une poubelle.

Les manches bougeaient. Ses pupilles se contentaient de faire de même, suivant le mouvement. Cette jolie couleur sombre, fade et sans vie, celle de ses yeux, se noyait toujours un peu plus dans le vêtement en face d’elle. Voilà qui, à première vue, avait l’air de l’intéresser. Comme un pendule, le balancement du tissu l’hypnotisait, sans que son regard ne puisse se détourner, sans qu’elle ne puisse réagir à la nouvelle proximité entre son corps et celui du jeune homme. Il s’était rapproché, utilisant subtilement l’atout qu’il possédait sur lui. Enfin, il ne devait probablement pas savoir que cela affecterait autant cette chère Nenph, tous deux ne se connaissaient pas assez pour ça. De toute façon, personne n’était autorisé à connaitre ce qui était susceptible de l’intéresser ou non, elle ne le permettait pas. Alors, ça tombait bien qu’il fasse nuit. Cela cachait le déplacement de ses yeux, qui à présent rester figés puisque le garçon avait cessé tout mouvement. Là encore, Nenph ne donna aucune réaction, gardant son calme habituel face aux bredouillements qu’elle n’entendait pas, pas vraiment. C’était comme si elle laissait son interlocuteur parlait dans le vide. Non, pas comme si… c’était ce qu’elle faisait. Comme s’il n’avait jamais existé, comme s’il n’avait jamais été là. Curieux, la voix la laissait… sans voix ? Et les manches qu’elle dévorait littéralement des yeux l’obsédaient. Les bras du jeune homme captaient toute son attention, était-ce seulement une bonne chose ? Il avait retroussé ses manches, cela la perturba sans pour autant lui faire quitter cet état de fixation qui l’habitait actuellement. Elles étaient remontées, si hautes, si inaccessibles. Comment était-ce possible ? Il se rapprochait encore, réduisant considérablement la distance les séparant. Ca ne sembla pas la gêner, pas tout de suite. Au contraire, il était suffisamment prêt pour qu’elle puisse le toucher, sans effort. Ce n’est que lorsqu’il se tût que la demoiselle passa à l’action. Ses bras se levèrent à son tour, seulement pour attraper les manches retroussées et les descendre jusqu’aux mains du jeune homme. Voilà qui était mieux. Et c’était là sa seule réponse. Elle n’avait rien entendu, rien compris de ce qu’il lui avait dit précédemment, ne s’étant préoccupée que des manches de la veste de son nouveau jouet. Mais comme le silence était revenu, il lui sembla qu’on attendait quelque chose de sa part. Quelque chose…

-Gné ?

Très pertinent comme vous pouvez le remarquer. Certes, ce n’était peut être pas la meilleure chose à dire, mais ça prouvait en un sens qu’elle se portait comme un charme non ? Après tout, si ça n’avait pas été le cas, peut être que sa priorité principale n’aurait pas résidé dans la contemplation de ces longues manches. Sans doute aurait-elle porté un plus grand intérêt à sa santé. Bien qu’il n’y ait aucun moyen de prouver cette dernière supposition. Au moins les deux damoiseaux présents savaient qu’elle n’avait rien écouté, c’était déjà un bon début que de leur apprendre que tout ce qu’ils pourraient dire ne serait pas forcément retenu et qu’ils n’obtiendraient donc en aucun cas l’attention complète de notre donzelle. Cependant, Nenph ne s’arrêta pas là. Il y avait encore autre chose à faire. Et ça, elle ne pouvait pas passer à côté. Se souciant peu de comment pourraient réagir les personnes présentes, son visage se rapprocha de celui qu’elle avait en face d’elle, sans prévenir, la jeune fille glissa sa main sous la manche de celui qui avait tenté de lui procurer des soins. Puis, ne lui laissant pas le temps de faire quoi que ce soit, elle l’attrapa par le poignet avant de lui lever le bras. Enfin, sa bouche glissa vers le tissu avant d’y appliquer délicatement sa langue, léchant deux ou trois secondes avant de mordre ce qui l’obnubilait depuis le début –à savoir la manche- à pleines dents. Quel comportement bizarre. Pourquoi est-ce qu’elle se fourrait ça dans la bouche, elle avait faim ou quoi ? Enfin… avoir la dalle ou pas ne justifiait rien. Ca n’était en rien comestible une manche, après dix-sept ans d’existence, il serait peut être temps de s’en rendre compte non ?

Sans savoir trop comment, une seconde voix vint retentir à ses oreilles, la faisant sortir de son petit délire personnel. Clignant des yeux, elle lâcha enfin ce qu’elle tenait si fermement entre ses dents. Ce n’est qu’après avoir tourné le dos aux deux autres personnages qu’elle se permit de faire une ignoble grimace. Bah oui, c’était pas bon. Mais il fallait s’y attendre, sûr que ça n’allait pas avoir le goût d’une glace à la menthe. Mais maintenant qu’elle y pensait… qu’est-ce qu’elle faisait encore là ? Nenph jeta un regard suspect par-dessus son épaule. Près, trop près. Un simple petit pas supplémentaire et elle lui tombait tout simplement dessus. Qui avait eu la sotte idée de se rapprocher autant, hein ? Il fallait respecter la limite d’intimité entre chaque individu. Et là, visiblement, la sienne était violée. Le mieux était de s’en aller. Ces gens étaient suspects, trop suspects. Ils allaient à coup sûr lui faire quelque chose, ça crevait les yeux. Posant ses mains sur le sol, Nenph commença à s’éloigner à quatre pattes. Essayait-elle une TFD –Tentative de Fuite Discrète- ? Et bah c’était… comment dire… plus ou moins raté ? Où comptait-elle aller comme ça ? Déjà, sa silhouette se rapprochait de la rue suivante. Voilà, elle prendrait à droite avant de se relever et de partir en courant. Le plan ultime. Mais voilà, une alléchante proposition venait d’être faite, ce qui ne sembla pas la laisser indifférente, puisque brutalement elle stoppa sa course. Non c’était un piège. Mais… à boire. Ca ne pouvait pas être un piège en fin de compte. Mais si en fait. Quoi que non. Nenph fronça les sourcils. Du Whisky. Elle allait pouvoir se rattraper à défaut d’avoir cassé sa bouteille. Un piège ? Pas grave du moment qu’il en résultait la boisson. Au pire, elle savait se défendre, un verre en pleine tête et puis hop… on s’en va. Elle se releva soudainement avant de se diriger à vive allure de sa démarche si particulière en direction des deux autres. Elle les dépassa, signe qu’elle était de la partie, avant de les conduire vers un bar non loin de là, et qui en toute logique ne devrait pas être encore fermé. Pénétrant discrètement à l’intérieur, elle se dirigea vers une table avant de se retourner, faisant face aux personnes l’accompagnant, leur laissant le privilège d’apercevoir son magnifique pull rose fuchsia, celui-là même avec un petit poussin jaune dessiné dessus. C’était un cadeau d’anniversaire de la part de Tante Sarah, c’était bébé, c’était mignon. Et, se dandinant d’un pied sur l’autre, elle demanda d’une toute petite voix.

-Moi je veux du Whiky…

Et en plus, elle prononçait mal le nom de sa commande. Pas Whiky, WhiSky.

Lorsque celle-ci lui agrippa les bras pour en descendre les manches, il eut comme réflexe de croire que ses pansements la dégoutait, ce qui l’embarrassait quelque peu car il n’avait pas énormément de moyens pour acheter beaucoup de pansements. Ceux qui se trouvaient dans son sac ? Et bien il les conservait pour soigner de nouvelles blessures ou encore d’autres personnes. Il était encore une fois perdu dans ses pensées, mais, un étrange évènement l’extirpa de celles-ci, quelqu’un lui avait agrippé une seconde fois le bras et en moins de temps qu’il lui fallu pour analyser sa situation, il remarqua que la jeune fille mordait à belle dent sa manche qu’il avait tant de fois recousu. Que voulait dire cette étrange action ? Sven n’y voyait que deux solution plausibles, soit elle était affamée, soit elle avait une manie étrange de mâchouiller les vêtements… Cette action le replongea dans une réflexion.

Puis, la voix de l’autre individu retenti dans ses oreilles, il n’avait pas l’air coupable ? Qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? Il ne serait donc pas coupable… Pourtant de l’angle où le jeune bricoleur avait vu les choses, tout cela était de sa faute, soit les blessures et la bouteille cassée. C’était bien la première fois qu’il avait, selon lui, blessé quelqu’un. Coïncidence, cette rencontre se trouvait à être la première pendant une nuit sombre où le décor entier était plongé dans la noirceur, dégradant jusqu’à pénombre sur certains plans où la lumière de ce petit astre rond et blanc réfléchissait. C’est également lors de cette même rencontre qu’un étranger dont il avait de la difficulté à distinguer les différents traits du visage le défendait pour un acte qu’il croyait, dur comme fer, avoir commis. Étrange, peut-être pas si dangereuse que ça, les rencontres nocturnes. Au moment où la jeune fille fit une grimace après avoir tourné dos au bricoleur et à l’étranger, Sven songea qu’il serait temps de se payer un luxe, soit une chambre d’hôtel pour une seule nuit, le temps de se laver et de nettoyer par la même occasion ses vêtements. Bien sûr que cela ne goutait pas très bon, il passait ses journées à travailler et à fouiller, parfois dans les ordures et ce, sans un bon bain quotidien, ce qui ne laissait pas une merveilleuse saveur aux vêtements qu’il portait en plus de ne pas sentir la rose. Puis la fille au comportement étrange se sauva à quatre pattes. Décidemment, ces rencontres nocturnes n’étaient peut-être pas toujours dangereuses mais elles comportaient leur lot d’événements qui, disons le, sortaient de l’ordinaire.

L’autre individu parla une seconde fois, l’invitait-il à prendre un verre ? Sven se retrouvait mal à l’aise d’accepter une offre d’un pur étranger cependant, le froid mordant commençait à lui engourdir les doigts et les orteils, après tout, l’alcool avait pour attribut de dilater les vaisseaux sanguins selon l’un de ses bouquins qui portait sur la médecine, cela allait donc l’aider à se réchauffer. En guise de réponse, il bafouilla un « oui » quelques secondes avant de remarquer que quelqu’un approchait. Qui pouvait bien arriver cette fois ? Tout ce qu’il eut le temps de voir fut une ombre qui le dépassa d’un pas rapide où il tourna rapidement le regard pour finalement remarquer que l’ombre était la personne qui s’était précédemment enfui et qu’elle se dirigeait en direction d’un bar. Elle avait, visiblement, accepté l’offre. Il jeta alors un regard rapide à l’homme qui avait fait la proposition avant d’avancer à son tour avec ses lourds paquets en direction du bâtiment d’un pas plus ou moins lent de façon à attendre celui qui les invitait. Une fois à l’intérieur du bar, il déposa son bagage non loin de la table avant de s’y asseoir. Il n’avait jamais consommé d’alcool autre que de la bière, qui ne consommait que très rarement lors de journées spéciales, lors de son anniversaire par exemple.

-Je…j’aimerais bien goûter à un peu de vodka…

Tout en parlant, il essayait de réchauffer ses mains abîmées en les frottant l’une a l’autre. Puis, restant assis, il observait la décoration intérieur de la place, il analysait chaque mur et donnait un coup d’œil rapide aux meubles et aux gravures qui leur donnaient du style en attendant soit sa commande, soit un début de conversation.

Pendant quelques instants, entre deux bouffées de tirées sur sa clope, Alex se demanda vaguement si les deux gamins étaient en âge de boire. Qu’importe, tant qu’on les laissait rentrer dans le bar, il ne se souciait pas du reste. Par contre, qu’ils n’espèrent pas qu’il ramènerait leurs corps imbibés d’alcool à leurs parents, s’ils en avaient du moins. Et ça, c’était encore moins son problème que le reste. Le jeune homme reprit goût à observer ses vis-à-vis lorsqu’une paire de dents, enfin pour ce qu’il voyait dans l’endroit un peu trop sombre, agrippa une manche. Il était tombé sur une personne qui avait l’air de ne pas avoir mangé depuis une semaine et sur un gamin qui semblait vouloir s’accuser de tout… Dire qu’il aurait pu rentrer chez lui et se taper une bonne bouteille de vodka, pénard, pour finir la soirée. Ouais, en fait non. Il avait des rapports à rédiger et, sincèrement, il préférait traîner avec des gens limites louches plutôt que de s’en occuper. Son regard ne quitta pas l’adolescente, même lorsque cette dernière sembla tenter de s’enfuir, d’une manière qui était plus ou moins, moins que plus dans le fond, discrète. Alex osa se demander de nouveau s’il n’avait pas un peu abusé sur les tournées ce soir là avant de calculer que c’était bel et bien la réalité. Fantastique.

Celui dont la manche avait été mâchouillée laissa alors échapper un oui, bien que dénué de confiance en lui, mais qui fit tout de même plaisir à Alexander. Il restait à savoir si la demoiselle souhaitait ou non se joindre à eux. Cependant, avant même qu’il puisse ouvrir la bouche pour parler, une tornade passa à côté de lui, sans s’arrêter de marcher. Bon, visiblement, elle acceptait. Tant mieux, tant mieux. Il était toujours plus amusant de boire à plusieurs. En fait non mais passons. Le jeune homme jeta sa cigarette, à présent terminée, sur le sol avant de l’écraser avec son talon puis de soupirer. Si elle continuait comme ça, ils allaient finir par ne pas réussi à la rattraper. Le jeune homme lança un bref regard à l’autre élément masculin du groupe avant de se mettre à marcher à ses côtés pour rattraper la furie, qui semblait, visiblement, assez attirée par l’alcool. En tout cas, l’adolescente semblait avoir oublier qu’elle venait d’être enfermée dans une poubelle. C’était plutôt une bonne chose si jamais elle n’en avait gardé aucun traumatisme. Quoique, cela signifiait peut-être qu’elle était habituée à ce type de sévices ? Mieux ne valait ne pas y penser.

L’endroit où elle les emmena semblait assez correct. Alexander n’était pas du genre à se soucier de ce type de détail de toute manière. Il s’assit entre les deux autres, comme pour les séparer au cas où une quelconque bagarre éclaterait, même si c’était juste parce que le second garçon était parti poser ses bagages, ou ce qui y ressemblait et qu’il s’était posé à sa place avant lui. L’œil d’Alexander observa d’ailleurs quelques instants les paquets transportés par celui qui semblait être un brin timide avant de passer sur un pull des plus… Voyants dirons-nous. La nuit était vraiment tout à fait normale… Tout du moins, l’aîné du trio louche tentait de s’en persuader. D’ailleurs, il capta bien que quelques personnes leurs lançaient des regards peu amicaux mais il n’y prêta strictement aucune attention. S’ils voulaient le provoquer, fallait faire mieux que ça.

Du Whiky. Est-ce qu’elle avait bu sa bouteille avant qu’elle ne se brise ou pas ? Le jeune homme commençait à avoir de très légers doutes à ce sujet. Cependant, il n’en montra rien, se contentant de laisser échapper un léger soupir avant de hocher très légèrement la tête, comme pour signifier qu’il avait assimilé la commande. Il répondit d’ailleurs de la même manière à la demande du garçon tout en se disant qu’un peu de vodka, ça réchaufferait pas mal. Et lorsque quelqu’un vint demander ce qu’ils désiraient, Alex’ se chargea de parler pour tout le monde. Après tout, c’était lui qui payait.

« Deux verres de Vodka, un de Whisky, s’il vous plaît. »

La politesse n’était pas toujours sa plus grande qualité mais il savait en user lorsque c’était utile. Et puis, mieux valait ne pas commander directement des bouteilles, ça aurait pu avoir l’air louche. Bien que, pour ça, ils battaient déjà pas mal de standards. Et hop, retour au silence qui régnait lors de leur arrivée. A croire qu’aucun des trois n’était spécialement bavard. Ce n’était pas comme si ça dérangeait énormément le plus vieux de toute façon. Il profita même de cette absence de parole pour sortir se rallumer une clope et la porter à ses lèvres. Est-ce qu’on avait le droit de fumer ici au fait ? Alex’ n’en avait rien à faire. Il y avait un cendrier sur la table. Il était donc parfaitement innocent. Calant pendant quelques secondes sa clope entre ses doigts, il en profita pour prendre la parole de nouveau, avec un ton de voix aussi peu intéressé que d’habitude.

« Quitte à boire ensemble, même dans le silence, autant savoir nos noms, non ? Le mien c’est Alex’. Les vôtres ?»

Oh, il était hors de question qu’il utilise son prénom en entier, c’était tout de suite moins classe. Sans compter que, vu la manière dont il le disait, on devinait vite qu’il s’agissait juste d’une partie du nom complet. Quand au nom de famille… Bah, ils en étaient pas encore à ça.

Nenph s’agitait dans tous les sens, pourtant si calme habituellement, voilà qu’elle ne pouvait plus s’empêcher d’aller contre sa nature. Non, c’était faux. Elle n’avait pas d’autres choix que de s’y résoudre. On la forçait. Tout. Tout la forçait. Ce n’était pas sa faute si soudainement elle ressentait ce vague besoin, celui de bouger. Tous la regardaient. Qu’avait-elle donc ? Un bouton sur le nez ? Il ne lui semblait pas. Ou tout du moins elle n’en avait vu aucun en se levant ce matin. Le reflet dans son miroir n’avait pu la trahir, n’est-ce pas ? Et là encore, elle n’avait rien. Elle ne cessait de passer ses mains sur son visage, comme pour s’assurer qu’il n’y avait rien de contraignant, rien de laid. C’était le cas. Un visage parfait, sans la moindre imperfection. Qu’est-ce qui, chez elle, pouvait bien attirer l’attention de tous ces clients ? Elle n’avait rien qui ne sortait de l’ordinaire, rien qui ne la mettait en valeur. Si. Sa naturelle beauté peut être. Oui, ce n’est pas bien de se vanter. Nenph avait raison en un sens. Elle ne pensait pas être assez jolie pour capter ces pauvres regards. Sa laideur alors. Non. Ce n’était pas bien d’être vaniteux, mais la modestie ne lui aller guère. Elle n’avait rien de moche, ni même de beau. Sa banalité peut être. Non plus. Elle n’avait rien de banal. Mais là, tout de suite, elle aurait voulu l’être. Pour mieux se fondre dans la masse, pour mieux fuir ces visages. Ho ! Mais voilà qu’un simple regard vers le bas lui fit penser à une nouvelle suggestion. La regardait-on à cause de son pull ? C’est vrai qu’il était flash. Cependant ça restait un pull. Des gamins de neuf ans porteraient le même. On ne jette pas de tels regards à des gosses sous prétexte qu’ils portent un pull rose avec un poussin dessus. Vrai ? Bon, elle n’avait plus neuf ans depuis longtemps, mais ça ne changeait rien. Quelle différence entre une fillette et une adolescente ? Aucune, bien sûr. Surtout si le goût vestimentaire est resté le même durant tant d’années. Retournez-vous donc misérables scolopendres ! Vraiment, ça la rendait mal à l’aise, au point d’avoir des mimiques. Comme enrouler l’une de ses mèches de cheveux autour de son doigt, chose qu’elle ne faisait habituellement pas. Il est vrai que son « agitation » se limitait à cela. Ca n’était peut être rien pour les autres, mais pour elle… c’était la fin du monde. Le jugement dernier. Elle se tortillait les cheveux. Et si elle était assez nerveuse pour faire une chose qu’elle ne faisait jamais à l’accoutumé, une chose à laquelle elle n’aurait jamais pensé de toute sa vie –Vrai dans son cas puisque moi c’est plutôt un automatisme de faire mumuse avec ma tignasse- alors non, ce n’était effectivement pas rien. Mais on ne pourrait jamais comprendre, surtout si elle ne se décidait pas à en parler. Personne ne la connaissait assez pour dire que ce comportement, ce doigt, n’était pas normal à cet instant précis. Néanmoins on pouvait savoir, qu’elle ne se sentait pas bien, grâce aux battements de son cœur. Boom. Boom. Boom. Un rythme un peu trop accéléré. Nenph les haïssait. Tous autant qu’ils étaient. Elle ne leur avait rien demandé. Même boire… n’était pas une action facile à réaliser dans une société aussi corrompue que celle-ci. Ils la mettaient mal à l’aise, ils lui donnaient de vilaines manies, ils lui faisaient peur. Alors, elle fixait intensément ce qu’il y avait sur le côté. Une veste. Un corps. Celui qui lui paierait son whisky de la journée. C’était mieux de voir ça, plutôt que de faire face aux insoutenables yeux qu’elle pouvait sentir dans son dos. Ha, et pas d’inquiétude à avoir, elle ne mord pas.

-Et si ce soir… c’était Belzy.

Non, elle ne s’appelait pas Belzy. Inutile de se demander où elle était allée le chercher celui-là. Mais peu importe. Ce n’était pas son nom. Nenph Taylor. Sa véritable identité. Quel intérêt trouvait-elle à changer cela ? Aucun. Ca l’amusait peut être. Peut être. On pouvait la prendre pour une débile, pour quelqu’un de méfiant. Monsieur Alex’ n’avait pas précisé qu’il souhait le vrai prénom. Sans doute parce que ça paraissait logique. Quoi qu’il en soit, ce soir, comme elle l’avait si bien dit, elle voulait être Belzy. Soit, si cela convenait à ces messieurs, qu’on l’appelle ainsi. De toute façon, ils pourraient toujours lui reposer la question ultérieurement. Et puis quel mal y avait-il à ce qu’on l’appelle Belzy hein ? Ils ne se reverraient plus après. Enfin, il y avait très peu de chance. Mais même, Nenph n’était pas sûre de vouloir les revoir. Eux aussi l’intimidaient d’une certaine façon. Elle était juste là pour l’alcool. Juste pour l’alcool. Pas pour créer un quelconque lien, qu’on se le tienne, rien d’autre ne l’intéresser. Qu’on lui paye un coup, et qu’on lui fiche la paix. C’était tout ce qu’elle demandait. Tout ce qu’elle désirait. Boire avant d’aller se paumer dans les rues de Leixford. Tel était la routine de sa morne vie. Ca lui convenait, elle n’en demandait pas plus. Elle ramena ses pieds sur sa chaise, préférant visiblement se tenir en boule, un peu la position qui la calmait, qui la rassurait. Jusqu’à ce qu’arrive son verre de whisky. Elle le regarda sous cette frange qui cachait légèrement ses yeux. Doucement son bras se dirigea vers ce qu’elle attendait depuis un moment déjà. Posant son doigt sur le rebord du verre, elle l’attira vers elle et sans perdre de temps ses lèvres vinrent rencontrer le doux nectar. Et entre deux gorgées, elle articula.

-Pourquoi buvons-nous ensemble ? C’est étrange.

Tous ces regards faisaient une sorte de pression sur le jeune finnois et le fait d’être regarder telle une bête de foire ne l’amusait guère. Qu’avait-il donc qui sortait tant de l’ordinaire et qui attrayait ces regards tel un aimant attire les métaux ? Son odeur peut-être. Il est vrai qu’il ne dégageait pas un parfum de rose mais ce n’était pas dans ses moyens de se payer un bain ou une douche quotidienne. Voyons les autres possibilités, et si c’était son accent étrange qui attirait tant ces yeux curieux ? Mais cela n’était point sa faute s’il avait appris le finnois avant l’anglais ou le français, après tout, c’était sa langue maternelle, la langue de sa douce mère qui lui manque tant. Ses bagages pouvaient, eux aussi, être l’appât de cette attention, un sac à vidanges énorme et un grand sac à dos chargé à bloc n’était pas très commun, particulièrement dans un bar. Peu importe ce qui attirait les regards, cela le rendait nerveux, le stresse l’envahissait peu à peu et des tics nerveux commençaient à faire leur apparition.
Lorsqu’il reçut sa commande, il sirota quelques secondes sa boisson avant de bouger nerveusement les doigts sur celui-ci. Au moment où la question fut posée, il ne réagit point puis, suivant la réponse de la jeune fille, il continua de son drôle d’accent :

-Je m’appelle Sven, Sven Jansson…

Sven avait été le seul à mentionner son vrai nom, complet, mais cela ne l’importait que peu si les autres n’avaient pas dit leur nom réel et entier. Habituellement, lorsque l’angoisse le prenait d’assaut, son regard devenait vide, lunatique, et il s’oubliait parmi la foule de pensée qu’il avait en tête. Ce moment ne fut pas exception à la règle. La seconde question, de la jeune fille cette fois, le sortit de cette marée d’imagination et en guise de réponse, il haussa tout bonnement les épaules avant de poursuivre en parole.

-C’est peut-être un quelconque destin qui nous réunit ainsi ce soir…enfin… ce matin…

« Et voilà, je délire, ils vont penser que je suis l’un de ces philosophes qui croient en la destinée et tout ce qui vient avec… » Se dit-il

Pour rapidement changer de sujet, il essaya d’entamer une seconde conversation avant que l’on ne se forge de drôles d’opinions à son propos.

-Puis-je vous posé une question ? Quels sont vos occupations normalement ?...

Bien sûr cela n’était pas sa priorité d’amasser des informations sur les deux individus qui l’accompagnait ce soir là au bar mais le sujet de conversation pouvait s’avérer intéressant si les deux autres y participait. Cette question était à la fois un sujet de conversation mais aussi un moyen de savoir si les gens que l’on retrouve normalement en plein jour avaient des emplois semblables aux citoyens du soir, ou du matin dans ce cas-ci. En attendant les réponses, il scrutait les deux accompagnateurs très différents l’un de l’autre.

Généralement, à cette heure là, soit Alex’ était en train de faire une course de voiture soit occupé avec son boulot. Voir, dans de très rares cas, dans les bras de Morphée. Ou d’une quelconque autre personne. Mais ce n’était dans ses habitudes de boire avec des inconnus. Et surtout pas de leur payer quoique se soit. Heureusement pour les mômes qu’il avait touché son salaire il y a peu. Sinon, même s’il avait été dans un grand moment de générosité, ils seraient allés se faire voir. Tout en savourant la nicotine qui tuait ses poumons à petit feu, ou à grand vu comme il fumait, le jeune homme écouta, vaguement, ses vis-à-vis se présenter. Il se douta assez vite que le nom de la jeune fille n’était sans doute pas le vrai, rien que dans sa manière de le dire, mais ça n’avait strictement aucune importance. Et puis, Belzy c’était pas si mal. Sans compter que l’assassin rencontrait assez souvent des gens avec des noms d’emprunt alors ça ne le dérangeait strictement pas. Lui-même n’avait pas employé le sien en entier après tout. Par contre, Sven, lui, semblait dire la vérité. Ne serait-ce que par sa manière de sortir son nom de famille. Bah, là non plus ça n’avait aucune importance. Après tout, ils ne se reverraient sans doute jamais. Sauf si le destin était vraiment contre le plus âgé des trois.

De toute manière, l’attention d’Alexander fut captée par leur commande qui arriva quelques secondes plus tard. Dire qu’il lui avait fallu faire des efforts pour écouter les gamins alors que l’alcool n’avait mit qu’une fraction de seconde à l’envoûter. Il écrasa sa cigarette, qu’il venait de finir, avant d’attraper son verre entre ses doigts et de le porter à ses lèvres, histoire de boire quelques gorgées. Heureusement qu’il n’était pas du genre à rire pour n’importe quoi, sinon la phrase de Sven sur le destin lui aurait fait recracher la moitié de sa Vodka. D’un autre côté, à part la destinée, il ne semblait pas y avoir d’explication au sujet de leur rencontre. Un soupir s’échappa des lèvres de l’aîné qui reposa tranquillement son verre sur la table avant de poser un coude sur cette dernière et son menton dans la paume de sa main, avec un air ennuyé. L’air qu’il avait pratiquement en permanence finalement. Il n’était pas facile de donner des raisons à certains événements et c’était sans doute mieux ainsi après tout.

« Il n’y a pas besoin de raison pour agir. »

Peut-être que ce n’était pas exactement vrai, cependant la phrase lui convenait à cet instant précis. Après tout, lui n’avait pas eu besoin d’une excuse ou d’une motivation pour aider celle qui voulait qu’on la nomme Belzy, alors pourquoi s’embêter à croire que les gens agissaient pour des objectifs précis. Le jeune homme n’ajouta rien, se contentant de boire de nouveau quelques gorgées de son verre tout en se demandant s’il n’allait pas en commander un autre quelques instants plus tard. Il n’était plus à un verre près de toute manière. C’est à cet instant qu’une seconde question raisonna au milieu de l’étrange trio, tandis que Alex’ reposa son verre sur la table une seconde fois. Le moins qu’on pouvait dire, c’était que le gamin était curieux. Ou bien qu’il avait vraiment très envie de relancer la conversation. Cependant, cette fois, la réponse ne pouvait pas venir si facilement que ça, parce que le membre du gouvernement avait besoin de réfléchir à la situation. Est-ce qu’il devait dire la vérité de manière brute, la replacer dans son contexte ou bien inventer une belle bêtise juste pour se protéger ? Il avait besoin d’un second verre pour y réfléchir. Voir d’une bouteille.

« Je bosse pour le gouvernement. Je suis garde du corps du prince, je rédige des tas de dossiers chiants et je tue des gens. »

Lança t-il sur un ton des plus tranquilles, sans qu’on puisse savoir s’il était sérieux ou s’il plaisantait, avant d’interpeller le serveur pour avoir un second verre. Puis, il reprit le premier entre ses doigts avant de le terminer d’une traite et de le reposer. Ensuite, Alexander laissa échapper un nouveau soupir avant de regarder les gens qui se déplaçaient dans le bar, d’un air désintéressé. Sincèrement, il avait eu la flemme d’inventer une idiotie quelconque. Sans compter qu’ils ne le croiraient sans doute pas. Et puis, si c’était le cas et qu’ils allaient le répéter, personne ne les croirait eux. Tout était parfait dans le meilleur des mondes comme ça. Quoiqu’il avait encore besoin de son second verre… Et de celui qui suivrait… Et ainsi de suite.

« Je vous recommande quelque chose ? »

Monsieur Alex’ et monsieur Jansson, génial, des nouveaux amis, des potes de bringues. Ca allait être la totale éclate ce soir, on boirait tellement qu’on se retrouverait tous à quatre pattes dans une fontaine, et on essaierait de vomir ensemble, histoire d’être bien synchronisé, et à la fin, on s’endormirait tranquillement le sourire aux lèvres dans les égouts de la ville, pour mieux faire connaissance avec les rats. Parce que c’est important de s’enquérir de la santé de ses congénères, et qui sait si on s’en entichait de ces petites bestioles, chacun pourrait en prendre une sous son aile. Non sérieusement, elle en mourrait d’envie. Pourquoi est-ce qu’elle pensait à cela ? Sans doute parce qu’elle aimait imaginer des choses qui ne se produiraient jamais. Elle ne raffolait pas tellement des rats en plus, et finir ivre ne faisait pas parti de ses projets pour aujourd’hui. Peu importe comment se terminait cette petite escapade, du moment qu’elle retrouvait la tiédeur de son lit. Elle cessa d’avaler son whisky pour simplement lécher le bord du verre, récupérant les quelques gouttes qui lui avaient échappé, tout cela en essayant de se concentrer sur les paroles du jeune homme. Nenph n’était pas particulièrement attentive, ou tout du moins elle ne laissait pas traîner ses oreilles lorsqu’elle sentait que ce n’était pas nécessaire. Mais il ne fallait pas qu’elle se comporte comme la dernière des mal élevés, ou même qu’elle leur fasse une mauvaise impression, sinon peut être que le grand à côté ne voudrait pas lui payer un autre verre. Après tout, elle n’avait plus de bouteille, et ne comptait pas tout de suite rentrer chez tante Sarah. Ce qu’elle cherchait à faire, c’était tuer le temps, ni plus ni moins. Et on est toujours mieux, le cul sur une chaise, plutôt que d’affronter le froid dehors. Mais pour rester dans un bar, il fallait consommer, et sans argent… Tiens ? Maintenant qu’elle y pensait, le serveur la connaissait un peu, assez pour savoir qu’elle était une habituée, ce serait sans doute une bonne occasion de se faire une ardoise juste au cas où la générosité de monsieur Alex’ disparaissait brutalement.

Elle reposa doucement son verre avant de poser l’une de ses mains sur ses genoux et l’autre… et bien ma foi on n’y pouvait rien si celle-ci avait l’inlassable envie de se tripoter la frange, mais passons. Le destin disait-il ? C’était quoi au juste le destin ? Elle se souvenait d’avoir lu un truc là-dessus, vaguement. Peut être dans un dictionnaire, va savoir. « Loi supérieure qui semble mener le cours des évènements vers une certaine fin ». La phrase était courte et simple, peut être était-ce pour ça que son esprit l’avait imprimé sans aucune difficulté majeure. Enfin, ce n’était pas vraiment, pour ne pas dire pas du tout, le genre de propos qu’elle tenait. Nenph ne conversait jamais sur ce sujet, trop approximatif pour être abordé peut être, à moins que ce ne soit dû au manque de sociabilité dont elle faisait preuve. Parce que papoter devant une tasse de thé tout en grignotant des petits sablés, c’est bien beau, mais encore faut-il trouver un pigeon avec qui discutait. Oui, ça doit être ça. Ho et puis qu’est-ce que ça pouvait bien faire hein ? C’était seulement un truc de bonnes femmes. Celles qui vivent dans des caravanes avec des bougies posaient un peu partout où il y a de la place. Tout ça pour quoi ? Pour s’entendre prédire un merveilleux destin avant de vous soutirer le peu de monnaie que vous avez sur vous. Non merci, dire qu’elle serait riche, qu’elle serait mariée avec trois enfants, elle pouvait le dire toute seule, sans personne pour l’aider. Ha mais tout bien réfléchi, c’était peut être l’avenir et non pas le destin que l’on prédisait ainsi. Quoi qu’il en soit, c’était quand même de l’arnaque. Jouer à la tisseuse de bonne aventure ne lui avait pas manqué ces dernières années. Et si le destin décidait de pointer le bout de son nez, elle le renverrait avec un bon gros coup de pied dans le derrière. Elle le bouterait, comme Jeanne d’Arc qui avait voulu bouter les Anglais. Elle ferait la même chose, na. Mais ça ne serait sans doute pas si facile à faire. En tout cas, elle ne voyait pas en quoi le destin pouvait les réunir tous les trois. Ou alors, ce dernier était remarquablement compréhensif au point de lui offrir un ou deux verres à boire. En fait, elle ne voyait pas d’autres explications. Du moment que les mauvaises nouvelles n’affluaient pas… Finalement, elle préférait mettre cette rencontre sur le compte du hasard, c’était beaucoup moins effrayant.

En silence, elle fixait un jeu de fléchette un peu plus loin, parce qu’elle écoutait ce que monsieur Alex’ pensait de tout cela, non pas vraiment que son avis était important, simplement que songeuse, elle avait fini par se prendre à la conversation, à y trouver un quelconque intérêt. Cependant elle ne disait rien, préférant garder son avis pour elle-même. Autant vous dire que je vous ai menti. Nenph était ravie, sur le moment, de l’opinion de son sauveur. Après tout, s’il n’en avait pas été ainsi, elle serait encore enfermée dans cette poubelle. La jeune fille était heureuse de voir qu’il était différent d’elle, car il n’était pas dit qu’à sa place elle se serait comportée de la même façon, ou tout du moins il lui aurait fallu un certain temps de réflexion avant de prendre une décision. Telle qu’elle se connaissait, elle aurait certainement exigé une tournée des bars avant de libérer la pauvre personne enfermée. Heureusement qu’on n’était pas tous comme elle, une chose était sûre, elle aurait été bien mal si sur le moment monsieur Alex’ avait eu un avis différent. Nenph poussa un petit soupir de soulagement en songeant qu’elle avait eu de la chance, et comme pour célébrer le fait de ne pas avoir été supporté par la poisse, elle termina son verre de whisky, buvant lentement. Puis avant que l’on retombe complètement dans un silence de mort, monsieur Jansson eut l’excellente idée de relancer la conversation. Il allait encore falloir parler, pour raconter sa vie en plus. Mais ça n’avait rien de bien pertinent, et elle avait peur de les ennuyer. Ou plutôt, elle n’avait pas grand-chose à dire. Elle était lycéenne, c’est tout. Elle ne faisait rien d’autre, pas d’activités. Que dire sur ses occupations ? Elle aimait boire et manger, elle aimait bien les cochons d’Indes même si elle n’en avait pas. Parfois elle lisait, très peu en fait, même si ça dépendait des jours. Quoi qu’elle pouvait se vanter d’aimer faire des choses enfantines et assez stupides pour la plupart du temps. Mais Nenph se sentit bien vite toute petite en entendant les « passe-temps » de son voisin. C’était très… inattendu… et inhabituel ? Sûre qu’elle ne rencontrait pas tous les jours des gens comme ça. Il ne devait pas avoir le temps de s’ennuyer, tout comme monsieur Jansson au vue de l’état de ses mains.

-Ha, c’est cool… moi je suis au lycée, le plus formidable pullulement d’insectes de la planète ainsi que le premier Royaume de l’Ennui. Mais « bouche de l’Enfer » serait aussi parfaitement compatible.

Enfin une phrase complète et longue, quel effort. Juste pour dramatiser sur son endroit préféré. A noter qu’elle n’avait pas un avis très favorable vis-à-vis de son lot quotidien, mais ça vous avez pu vous en rendre compte. Peut être que le plus choquant était le ton qu’elle avait employé, notamment envers les propos de monsieur Alex’. Placide, sans doute était-ce le signe qu’elle se moquait bien des activités qu’il pouvait avoir du moment qu’il ne venait pas lui demander un quelconque remboursement pour le verre. Néanmoins ce n’était pas une chose qu’elle entendait tous les jours, aussi fallait-elle qu’elle soit très je-m’en-foutisme sur le coup pour ne pas s’en faire plus que ça. Mais maintenant elle était certaine que cette rencontre était à mettre dans le sac portant le nom de hasard, simplement parce qu’elle ne voyait pas ce qu’elle viendrait faire avec quelqu’un comme ça. Ne restait plus qu’à voir si monsieur Jansson avait une activité tout aussi… charmante. En attendant, elle ne se fit pas prier pour se commander un second verre lorsqu’on lui proposa. Du pastis cette fois.

-Par curiosité, j'ai le droit à combien de verres ?

Lorsque chacun parlait à tour de rôle, il les écoutait, buvant ainsi leurs paroles et non son verre de vodka. Pourtant, selon lui, les paroles avaient bien meilleur « goût » que la boisson, peut-être étaient-elles aussi dangereuses parfois tout dépendant de la personne à qui elles appartenaient mais, elles au moins, n’étaient pas scientifiquement prouvées pour agir de façon directe sur la cible, soit l’interlocuteur. Tout dépendait de la réaction de celui-ci tant dis que l’alcool elle, dilatait automatiquement les vaisseaux et faisait bouillonner le cerveau de drôles de pensées, surtout lorsque le consommateur n’était pas habitué à cette potion tant désirée par certains. Il se repositionna plus confortablement et accota ses avant bras sur la table pour avoir un appui pour ainsi se donner un certain équilibre et, suivant les règles du bouquin parlant des bonnes manières, il ne déposa pas les coudes sur celle-ci. Le petit mouvement qu’il avait exécuté avait relevé de quelques centimètres l’une de ses manches révélant ainsi, encore une fois, ses pansements abîmés qui étaient, à l’origine, d’un blanc crémeux qui avait, disons, caillé pour finir en un beige sale parsemé de tâches de différentes natures.

En récapitulation à toutes les réponses lancées depuis le début de leur entré au bar, le plus grand se trouvait à être pour Sven un drôle de moineau, son nom était peut être normal mais son travail n’avait point l’air aussi banal. Cependant, le calme et le regard emplit d’ennui qui forcerait même un handicapé ayant une absence de main à se tourner les pouces lui donnait des doutes sur la véritable identité de ce dit Alex. Peu importait puisqu’il n’allait sûrement pas les revoir à nouveau mais, malgré cela, l’idée que le boulot du soit disant garde du corps s’avère véridique le faisait frissonner intérieurement. Passons à la jeune fille pour éviter qu’il ne reste bloquer que sur cette pensée. Une lycéenne au nom de Belzy, une occupation quelque peu fréquent, rien à signaler, mais le caractère de la jeune fille n’était pas aussi insignifiant que sa préoccupation.

Ils n’avaient point l’air de réaliser qu’ils avaient de la chance d’avoir un lit douillet pour dormir, une douche ou un bain prêt a servir et un réfrigérateur remplit, sûrement. Sven n’avait rien de cela. Son but restait, pour le moment, d’obtenir assez d’argent et un bon boulot pour pouvoir se payer tous les luxes qu’il avait dû se priver à cause de son petit budget. Puis, éventuellement, il voulait acheter la maison qu’il avait habitée durant son enfance, avec ses parents adorés qu’il n’avait pas connu longtemps. Sortant de ses pensée, il réalisa que c’était son tour maintenant, il devait lui aussi avouer ses passe-temps et peut-être même y glisser une certaine publicité pour peut-être avoir d’éventuels nouveaux clients.

-Et bien moi… Je n’ai pas de boulot précis, je suis engagé ici et là pour mille et une choses. Que ce soit pour peinturer un vieux mur, réparer, livrer des objets et j’en passe…

Il sirota son verre où la quantité de vodka était presque identique à son arrivé sur la table. N’étant pas un grand buveur, il préférait la modération à la boisson, ayant la crainte de finir sous l’emprise de l’alcool et commettre des actions qu’il pourrait regretter amèrement jusqu’à son dernier souffle de vie. Le gaspillage était cependant lui aussi un ennemi, si à la fin de leur petite rencontre il n’avait pas terminé son verre, il lui faudra trouver un moyen de ne pas gaspiller ce précieux nectar. C’est pourquoi il déclina l’offre de celui qui offrait à boire.

-Non merci, ça va pour moi…

Le simple fait d’être avec des gens un beau matin où il serait habituellement assoupi dans un coin avec un profond songe pour occuper son esprit le tirait de sa routine et cela, pour une raison inconnue, lui faisait du bien même s’il allait devoir se reposer longtemps par la suite pour récupérer les heures de sommeil manquées et donc, se priver de travail, par conséquent, d’argent. Autant profiter du moment où il avait presque l’impression d’avoir de nouveaux amis, même si cela n’arrivera sûrement jamais, après tout, qui voudrai d’un sans abri qui sent le jus de poubelle comme ami ?

Finalement, n’aimant définitivement pas le goût de la vodka, il agrippa son lourd sac à dos et ouvrit l’une des pochettes où il pénétra ses deux mains pour chercher quelque chose. Ce n’est qu’après environ quarante secondes qu’il en ressorti une sucette sphérique aux fraises qu’il prit pour chasser le goût de l’alcool dans sa bouche. Dégustant son bonbon, il referma la pochette de son bagage et le repoussa où il se trouvait, aux côtés du sac poubelle tout aussi chargé, et, tôt fait, il se rassit à sa place et se repositionna confortablement.

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